artiste
Miniature extraite du Shahnameh de Ferdowsi

کرم

Ces travaux hybrides, entre la sculpture et le dessin, mettent en jeu mon rapport personnel aux motifs de tapis persans. Les formes proposées jouent sur des ambiguïtés iconographiques, entre le glyphe pré-islamique (avestique, pehlevi, araméen, écritures secrètes…), les représentations de la faune et de la flore dans le folklore persan et la topographie d’un territoire fantasmé. Il s’agit d’une tentative personnelle de déchiffrer les éléments narratifs qui composent la trame d’un futur possible pour la culture iranienne et sa diaspora.

Mon projet s’appuie sur la légende ancienne du ver de Kerman, le کرم (/kɛʁm/), transcrite en persan moderne par le poète Ferdowsi dans son célèbre Shahnameh (Livre des rois) au XVIe siècle. Ce récit de fiction fait acte de l’arrivée des techniques de la soie en Perse. Le pauvre ver aux pouvoirs de filage prolifiques ingurgite l’étain en fusion versé dans son gosier par son assassin, le roi Ardachir déguisé en marchand de caravan-sérail… Dans ce récit des débuts de l’empire Sassanide (IIIe siècle), Ardachir le conquérant possède la technique de la métallurgie et l’applique avec ruse contre la crainte que lui inspire un animal maléfique : allégorie de la puissance guerrière contre la puissance d’une cité artisanale. La légende sublime le caractère éphémère de toute chose, la mutation du ver étant déterminée par matière inorganique qui le tue et non par la gestation de ses ailes.

« En raison de leur diversité et de la difficulté que nous ressentons à saisir par la seule observation leurs principes mathématique et géométrique de construction, les motifs décoratifs nouent des relations durables entre les personnes et les objets, car pour l’esprit humain, ces motifs renvoient toujours à une opération cognitive “inachevée”. Devant les motifs élaborés d’un grand tapis oriental, on pourra toujours dire qu’on est venu à bout de leur complexité ; il n’empêche que l’oeil voit toujours d’abord une relation particulière, puis une autre, et cela à l’infini. La richesse du motif est inépuisable, et détermine la relation entre le tapis et son propriétaire, pour la vie. Les anthropologues ont constaté depuis longtemps que les relations sociales durables sont fondées sur de l’“inachevé”. L’essentiel dans l’échange en tant que créateur de lien social, c’est le fait de différer, de reporter les transactions. Si l’on veut que la relation d’échange perdure, elle ne doit jamais aboutir à une parfaite réciprocité, mais doit laisser perdurer un certain déséquilibre. Il en va de même pour les motifs : ils ralentissent l’acte de perception, l’arrêtent même, si bien qu’on ne possède jamais complètement un objet décoré, on ne cesse de se l’approprier. C’est cela, un échange inachevé. » — Alfred Gell, L’art et ses agents. Une théorie anthropologique (1998) p.100

Miniature extraite du Shahnameh de Ferdowsi

Miniature extraite du Shahnameh de Ferdowsi

La légende du vers à soie de Kerman

001B2624-84DB-481D-A9EB-21934C2E7235.jpg
051BE92D-A8B8-49A9-8D81-69B8DDE19C9A.jpg
4743C047-6448-4ED6-BF86-F9431479C738.jpeg
9605D1A5-94C5-404C-9A85-5C34A64880FB.jpeg
Capture d’écran, le 2020-02-26 à 17.48.30.png
F959FC1F-4372-4DE6-A6A1-7002B32F0A75.jpeg
serpents-jaunes.jpg